Hubert de Beaufort         Le Livre Blanc      
                Une étude exhaustive de l'histoire de l'occupation de Bordeaux
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6- L’affaire Slitinsky

Michel Slitinsky fut un des grands ordonnateurs du procès de Maurice Papon. Présent du premier au dernier jour, régentant la salle d’Assises, veillant à ce que l’assistance manifeste au gré de ses instructions, intervenant dans les médias, il se voulait à la fois la victime accusatoire exemplaire du système Papon et le Résistant sans peur ni reproche.

Malheureusement pour lui, les débats n’ont démontré qu’un chose : c’est que la Préfecture avec Maurice Papon, a réussi par sa ténacité administrative a sauver la sœur de Michel Slitinsky de la déportation !

Slitinsky est en effet une figure: depuis des années il milite contre Maurice Papon, symbole à ses yeux, de la participation de Vichy au génocide, et acteur responsable des convois de déportation. Slitinsky est à l’origine des premières plaintes. À Bordeaux, il mène une véritable croisade : la dérive fut telle que Maître Lévy, un des avocats des parties civiles, demandera que le célèbre témoin veuille bien faire court, mais en vain. Confondu par les questions précises de Maître Francis Vuillemin, sa déposition fut un désastre pour les parties civiles et se termina par la présentation d’un faux document fabriqué à partir de deux documents. Il est vrai que tous les coups sont permis puisque, comme le dira Slitinsky pour se défendre !

Par contre, il est instructif de se pencher sur le cas de sa sœur Alice, arrêtée le 19 octobre 1942 et relâchée le 5 décembre : sa libération est due aux Allemands d’après Slitinsky, et aux interventions de la Préfecture selon Maurice Papon1. Pendant des années, Slitinsky présenta dans les médias, l’affaire de sa sœur comme le symbole des mensonges de Papon. Le procès tournera à la confusion de Slitinsky, lorsque sera présentée une pièce démontrant, au contraire, l’action efficace de l’accusé pour faire libérer la jeune Alice.

Cette affaire est significative du procès : non seulement les pièces retrouvées ont permis de confondre l’accusateur numéro un, mais elles démontrent que chaque fois que l’on peut approfondir un dossier, la conclusion tourne en faveur de Maurice Papon. Malheureusement nous n’avons pas le dixième des documents qui permettraient d’instruire la véritable histoire de la préfecture de Bordeaux... et aucune source allemande.

Michel Bergès, conscient de l’inconsistance du dossier Papon, estime inacceptable que l’on tire des conclusions hâtives à partir de quelques documents connus qui ne montrent que l’aspect visible des rapports de la Préfecture, l’officiel, aux SS. Comme il a raison! Malheureusement jamais, ni l’instruction, ni l’accusation, ni les parties civiles n’ont tenté de mettre les quelques documents présentés dans le cadre historique de l’occupation de Bordeaux.

Cette méconnaissance du contexte de la guerre est souvent à la limite de la caricature. Par exemple, lorsque Papon et ses avocats démontrent l’efficacité des interventions ayant permis la libération d’Alice Slitinsky, le procureur général, a cette phrase incroyable :

La libération aurait pu être plus rapide avec un coup de téléphone "

Pour Henri Desclaux, Papon pouvait téléphoner à la Gestapo, en octobre 1942, comme à un collègue de bureau... en 1998! Cette courte remarque du procureur restera malheureusement dans les annales de l’histoire judiciaire comme stupéfiante. Voici pourquoi.

Alice Slitinsky est bien libérée le 19 Octobre 1942 mais un mois plus tôt, le 19 septembre, soixante-dix otages bordelais étaient fusillés : ni les interventions de Sabatier à Vichy, ni celles de Luther, le commandant du KDS, n’y changeront rien.

Imaginer que l’on puisse téléphoner à la Gestapo pour demander une libération dénote une totale méconnaissance des réalités de l’occupation, mais les jurés l’ont-ils compris? À l’évidence non puisque l’enlèvement d’Alice Slitinsky restera à charge de l’accusé dans le jugement!

Dans ce climat sanglant de l’automne 1942, Papon trouve le temps de se pencher sur le cas d’Alice Slitinsky et de la faire libérer. Le grappillage, c’était cela, une Résistance au quotidien...

Quant à la Résistance de Michel Slitinsky, on reste pour le moins perplexe. Il décrit ainsi sa résistance en Auvergne: J’étais un des collaborateurs, dans la clandestinité, du Commissaire de la République Ingrand."

Voilà ce que déclare à son sujet Boutines, Vice-président de l’UD/CVR :

En mars 1944, pour faire face aux vagues d’arrestations et à l’action des troupes allemandes, les petits maquis se sont repliés sur le Cantal. Michel Slitinsky était parmi eux. Il rejoint le maquis Revanche qui n’a pas laissé un grand souvenir dans la région.

Il semble qu’il y ait rempli les fonctions de cuisinier.

Je puis affirmer que Slitinsky n’a jamais appartenu à l’État-Major des MUR et maquis d’Auvergne, pas plus d’ailleurs qu’à celui de la Région 6."

Tout commentaire est inutile.

© Hubert de Beaufort, Paris 2001
Notes : Voir sur la libération d'Alice les deux documents : la demande de libération faite au commandant du KDS, et celle faite au directeur du camp de Mérignac.