Reinhard Heydrich. Intelligence supérieure, violoniste
virtuose, escrimeur remarquable, c’était un des rares dirigeants nazis qui
impressionnait Hitler. Hetdrich était considéré comme un de ses dauphins
possibles. Adjoint théorique d’Himmler, il domine intellectuellement son
supérieur. À vingt-neuf ans, il est Oberführer et à sa mort, à trente-huit
ans, il est général d’armée. Chef du RSHA à partir de 1939 (il a alors 35
ans), Heydrich devient en outre protecteur du Reich pour la Bohême Moravie en
1941. Il est assassiné le 6 juin 1942 par des Résistants venus de Londres et
sera remplacé par Ernst Kaltenbrunner, condamné à mort et pendu en 1946 à
Nuremberg.
En Mai 1942, Heydrich viendra à Paris présenter le
général Oberg (nouveau chef suprême des SS et des polices allemandes en
France), à une délégation française dirigée par René Bousquet. Heydrich
intronise simultanément son protégé Knochen en tant que chef du SD et adjoint
d’Oberg. À partir de cette date, essentielle pour comprendre ce qui se
passera à Bordeaux, l’Abwehr est dépossédé de l’essentiel de ses
pouvoirs de police confiés à la SIPO-SD, et à la Gestapo qui décide seule de
la désignation des otages.
Walter Schellenberg. Adjoint et bras droit d’Heydrich,
le Brigadeführer Schellenberg qui dirige la section VI du RSHA, (espionnage et
contre espionnage), passe pour un personnage très subtil. A la mort d’Heydrich,
c’est lui qui intriguera pour faire nommer le falot Kaltenbrunner à la tête
du RSHA. En mai 1944, Schellenberg franchira un pas de plus dans sa marche vers
le pouvoir en annexant les services de l’amiral Canaris. Schellenberg viendra
en 1943 à Paris, fera connaissance de Coco Chanel et l’aurait envoyée en
Espagne pour tenter d’influencer son ami Churchill dans la recherche d’une
paix séparée : Chanel reviendra bredouille. Très curieusement,
Schellenberg ne sera pas poursuivi par les Alliés après la guerre, mais
témoigne à Nuremberg. Condamné à six ans de prison en 1949, il est libéré
en 1951 pour raisons médicales et meurt à Turin en 1952.
Heinrich Müller. Chef suprême de la Gestapo à
Berlin, porté disparu en 1945. Supérieur direct de Boemelburg, (chef de la
section IV à Paris) dont il est proche, et d’Eichmann à Berlin. Müller
initie les déportations et contrôle de façon étroite Eichmann, (chef de la
sous section IV B 4 b). C’est Müller qui fera nommer un de ses fidèles, Karl
Boemelburg, comme chef de la Gestapo à Paris et enverra Dannecker comme adjoint
à Boemelburg, en tant que responsable des questions juives, puis Brunner en
1943.
Adolf Eichmann. Un des subordonnés d’Heinrich
Müller. Dirige le département IVB4 du RSHA avec le grade d’Obersturmbannführer.
Chargé des questions juives, il est non pas l’ordonnateur, mais l’exécuteur
de la " solution finale ". Réfugié en Argentine, il est
appréhendé par les Israéliens, jugé, condamné à mort et pendu en 1962.
Karl Oberg, (général). En Mai 1942, il est intronisé
chef suprême des SS et des polices en France par Heydrich dont il a été le
chef d’état-major : il est alors âgé de 45 ans. C’est le supérieur de
Knochen et de Boemelburg. Condamné à mort en 1954, il est libéré en 1962.
Mort en Allemagne de l’Ouest.
Otto Abetz. Ambassadeur du IIIe Reich à Paris de 1940
à 1944. Là encore les historiens français ont occulté le rôle et l’influence
d’un personnage complexe. Lorsqu’il arrive à Paris en 1940, Otto Abetz a 37
ans : c’est un Rhénan francophile. Social démocrate, il est, à l’origine,
pacifiste et proche de Briand et de Stresemann. En 1930, il organise une
rencontre entre jeunes Français et jeunes Allemands et crée le Cercle de
Sohlberg avec Jean Luchaire, Bertrand de Jouvenel et Pierre Brossolette. Le
Cercle se réunira à Rethel, (1931), Mayence, (1932) et Paris, (1933). En 1932,
Abetz épouse une Française, Suzanne de Bruyker qui était la secrétaire de
Jean Luchaire. A cette époque Abetz n’est pas nazi et il est même suspect au
nouveau pouvoir. Mais Ribbentrop s’intéresse à lui et l’aide à poursuivre
ses activités de rapprochement franco-allemand. Verront ainsi le jour : la
Deutsche Französische Gesellschaft et le Comité France Allemagne. A cette
époque, il fera connaissance de Pierre Drieu la Rochelle qui deviendra son ami.
En 1935, Abetz devient le collaborateur de Ribbentrop en tant
qu’expert pour les questions françaises. Politique oblige : il adhère
au parti en 1937 et devient même membre de la SS, (carte 253314). Déployant en
France ses activités culturelles de façon trop ostentatoire, il est expulsé
en 1939 et intègre le corps diplomatique. En juin 1940, Ribbentrop l’envoie
à Paris pour représenter le ministre des Affaires étrangères auprès des
autorités militaires et le 5 août, il est nommé ambassadeur du Reich auprès
du Militärbefehlshaber : une consécration pour ce jeune diplomate
francophile par inclinaison, ce qui ne plait pas au courant francophobe de
Berlin animé par Goebbels, qui interdira à la presse de citer le nom de l’ambassadeur…
consigne qui sera respecté durant toute la guerre…
Le 3 Août 1940, Abetz est reçu par Hitler qui conservera
toujours pour la France aversion et méfiance, mais hésite sur la politique à
tenir. La directive générale est la suivante : empêcher un redressement
durable de la France, en évitant que le vaincu ne retrouve son unité et sa
force. Ribbentrop résume ainsi à Keitel les directives d’Hitler :
" Le Führer a expressément ordonné par la
présente que l’ambassadeur Abetz soit seul responsable du traitement de
toutes les questions politiques en France occupée et non occupée. Dans la
mesure où sa tâche devra inclure des intérêts militaires, l’ambassadeur
Abetz n’agira qu’avec l’accord du Militärbefehlshaber en France.
En lisant cet ordre de mission, on se demande si Abetz
assiste le général Stülpnagel, ou si ce dernier est rattaché à l’ambassadeur !
Certes, Abetz appliquera la politique répressive de Berlin, mais simultanément
il protègera la culture française contre les francophobes de Berlin.
Bien sûr, il soutiendra toujours Laval, mais regrettera que
la politique de collaboration tentée par Darlan ait été rejetée ou
méprisée.
Durant son procès à Paris, il s’exprimera en ces termes
sur la collaboration :
" La collaboration ? Je suis Allemand. Et
si vous voulez tout savoir, eh bien, Hitler n’y a jamais cru. Il était
attentiste, mais le malheur, c’est que, lorsqu’il fallait prendre une
décision, c’était toujours pour la décision de force qu’il optait.
Je n’y puis rien ".
Dans un rapport de Juin 1941, il développe auprès de
Ribbentrop ses propositions pour la France :
" Un traité de paix sauvegardant dans l’ensemble
l’unité territoriale du pays, par la mise en place d’un gouvernement de
gauche qui empêcherait toute opposition contre l’Europe dirigée par le
Reich. Une entente économique franco-allemande qui entraînerait un bien être
matériel et moral pour les travailleurs français, malgré la satellisation de
leur pays ".
Condamné à 20 ans de prison par le Tribunal militaire, en
Juillet 1949, il est libéré en 1951 et meurt dans un accident de voiture,
ainsi que sa femme, en 1958.
Theodor Dannecker. Âgé de 27 ans en 1942, il appartient
à la Gestapo et aux SS avec le grade de Hauptsturmführer. Il est envoyé à
Paris par Müller (1940-Juin1942), pour seconder Boemelburg. C’est un
spécialiste des questions juives qui dirigera la section IV J sous la direction
bicéphale de Boemelburg à Paris et d’Eichmann à Berlin.
Emprisonné en 1945, il s’est pendu dans sa cellule.
Heinz Röthke. Adjoint et successeur de Dannecker, aux
questions juives. Après la guerre, il exercera des activités juridiques à
Wolsburg et décédera en 1968. Semble ne jamais avoir été inquiété.
Karl Boemelburg. En Août 1940, il est nommé à Paris
par Müller comme son représentant personnel et comme chef de la section IV du
BdS pour la France, (la Gestapo), avec le grade de directeur criminel. Il est
alors âgé de 57 ans. C’est un personnage très secret dont l’influence fut
pourtant considérable. Lieutenant colonel SS, parlant couramment le français,
il avait travaillé avant la guerre à Lyon et à Saint-Étienne. Les bureaux de
Boemelburg étaient situés rue des Saussaies jusqu’en 1942, puis avenus Foch.
C’est Boemelburg qui fait nommer son protégé Dohse, (voir chapitre V), à
Bordeaux comme chef de la Gestapo de la Gironde, et Dohse vient lui rendre
compte de ses activités chaque semaine à Paris.
En 1985, lorsque Michel Bergès se rend en Allemagne pour
interviewer Dohse, celui-ci parle encore avec nostalgie de ses rapports avec
Boemelburg. Il est possible que Boemelburg et Dohse aient entretenu des
relations homosexuelles: Dohse parle en effet de son périple avec Boemelburg à
travers la France, durant un mois, comme d’un véritable voyage de noces ! L’analyse
graphologique confirme les tendances homosexuelles de Dohse qui étaient d’ailleurs
connues des Bordelais. Après son arrestation, Jean Moulin a été transporté
de Lyon à Neuilly dans une des résidences de Boemelburg. La section IV J
chargée de la déportation des Juifs dépendait de Boemelburg et Aloïs Brunner
envoyé en 1943 par Müller est cité en troisième position sur l’annuaire
téléphonique de la Gestapo.
En Novembre 1943, Boemelburg, remplacé par Stindt, est muté
à Vichy où il est chargé de la surveillance du maréchal Pétain. Le 28 Août
1944, il assure le transfert de ce dernier à Siegmaringen. Le 29 Avril 1945,
Boemelburg autorise le départ du Maréchal vers la Suisse. Lindt n’a que le
grade de conseiller criminel alors que Boemelburg était directeur
criminel : a-t-il conservé une autorité sur son successeur ?
Le chef de la Gestapo en France disparaîtra ensuite, sans
laisser de trace, comme son chef Müller à Berlin. Boemelburg s’évapore à
tel point que le livre blanc vous présente la seule photo connue de l’intéressé
transmise par Maurice Delarue. Même Henri Amouroux interrogé, ne possédait
pas d’information spécifique et le répertoire alphabétique d’Hilberg
reste muet sur le personnage.
Boemelburg avait comme adjoints : le Sturmbannführer Kieffer,
(conseiller criminel), Heimboldt et Wolf.