2- Le colonel
Duchon, intendant de police
Qui était le colonel Duchon ? Officier d’active,
ancien chef d’Etat major de l’armée franco-polonaise, il avait commandé en
1940 une brigade blindée. Fait prisonnier, il réussit à s’échapper après
les combats de Montbard. Son fils, lieutenant d’active, fut capturé en juin
1940 et emmené en captivité en Allemagne.
Nommé Intendant de Police, Duchon est assujetti à une
triple hiérarchie : d’abord celle de Bousquet, puis de Darnand à partir
de décembre 1943. Ensuite celle du préfet Sabatier, à qui il rend compte
chaque matin, enfin et surtout celle de la Gestapo par l’intermédiaire de
Luther chef du KdS. C’est Duchon qui est prévenu par les Allemands, le
premier, des exécutions d’otages et des déportations, qu’elles soient
politiques ou raciales.
Il s’est exprimé sur ses fonctions le 28 octobre 1947, au
cours d’une déposition auprès du tribunal militaire, (Lt Baudichon), et a
précisé le processus des déportations juives (1).
" L’initiative de ces opérations n’a jamais
appartenu à la police ".
" Dans l’exécution de ces opérations, les
fonctionnaires de police ont toujours fait preuve d’esprit humanitaire et de
sens national ".
" Lors des premières opérations, les listes des
personnes à appréhender avaient été transmises à l’avance aux services de
la Sécurité publique. De nombreux fonctionnaires s’étaient ingéniés pour
avertir à l’avance les intéressés ".
" Sabotée au départ, l’opération était vouée
à un échec certain, ce dont les Allemands se montrèrent vivement mécontents.
Ce mécontentement s’est traduit par de violentes observations ".
" Cette méthode ayant donné de piètres
résultats…les services de police ne furent plus informés à l’avance de la
nature des opérations qui leur étaient demandées. Par voie de conséquence,
nous ne savions donc plus quelles étaient les personnes contre qui nous devions
opérer ".
" Ainsi, en ce qui concerne l’opération d’Octobre
1942, il est venu à ma connaissance que ce n’est qu’au moment de l’exécution
même, que les listes ont été communiqué directement aux services de police,
par les services de la préfecture accompagnés par des feldgendarmes ".
" Je n’ai pas assisté personnellement à la
phase d’exécution de cette opération. Mais je me rappelle être allé dans
la nuit, apporter mes encouragements aux femmes et enfants qui avaient été
arrêtés au cours de la nuit. Je peux vous dire que j’ai tenté d’intercéder
en la faveur des prisonniers au près de Luther, (Chef du KdS), qui m’a
répondu :
" Ce sont des ordres, je n’y peux
rien ".
" Je dois dire que la police a toujours eu la
confiance des Israélites, cela est si vrai que bien souvent le grand Rabbin
Cohen est venu me voir dans mon bureau, à l’Intendance de police, pour me
demander des conseils ou mon aide ".
Nous retrouvons le même scénario avec l’Intendance de
Police qu’avec Marquet, le Maire de Bordeaux, durant son procès. La
préfecture, les policiers et les gendarmes agissent sur réquisition allemande,
les policiers préviennent les intéressés dans toute la mesure du possible,
mais les SS surveillent et encadrent. Duchon, impuissant, tente de prévenir et
de consoler.
Le Grand Rabbin Cohen vient voir l’Intendant de Police,
comme il vient consulter le maire et le préfet, demande conseil… et reçoit
toujours la même consigne : partez, partez, partez.
Bien entendu, il existe au sein de la police des antisémites
qui font du zèle et appliquent les instructions allemandes, mais beaucoup de
policiers facilitent les évasions comme nous le racontera Pierre Saufrignon.
(1) Document complet présenté dans " la contre
enquête ", éditions FX de Guibert
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