Hubert de Beaufort         Le Livre Blanc      
                Une étude exhaustive de l'histoire de l'occupation de Bordeaux
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© Hubert de Beaufort, Paris 2001

2- Le colonel Duchon, intendant de police

Qui était le colonel Duchon ? Officier d’active, ancien chef d’Etat major de l’armée franco-polonaise, il avait commandé en 1940 une brigade blindée. Fait prisonnier, il réussit à s’échapper après les combats de Montbard. Son fils, lieutenant d’active, fut capturé en juin 1940 et emmené en captivité en Allemagne.

Nommé Intendant de Police, Duchon est assujetti à une triple hiérarchie : d’abord celle de Bousquet, puis de Darnand à partir de décembre 1943. Ensuite celle du préfet Sabatier, à qui il rend compte chaque matin, enfin et surtout celle de la Gestapo par l’intermédiaire de Luther chef du KdS. C’est Duchon qui est prévenu par les Allemands, le premier, des exécutions d’otages et des déportations, qu’elles soient politiques ou raciales.

Il s’est exprimé sur ses fonctions le 28 octobre 1947, au cours d’une déposition auprès du tribunal militaire, (Lt Baudichon), et a précisé le processus des déportations juives (1).

" L’initiative de ces opérations n’a jamais appartenu à la police ".

" Dans l’exécution de ces opérations, les fonctionnaires de police ont toujours fait preuve d’esprit humanitaire et de sens national ".

" Lors des premières opérations, les listes des personnes à appréhender avaient été transmises à l’avance aux services de la Sécurité publique. De nombreux fonctionnaires s’étaient ingéniés pour avertir à l’avance les intéressés ".

" Sabotée au départ, l’opération était vouée à un échec certain, ce dont les Allemands se montrèrent vivement mécontents. Ce mécontentement s’est traduit par de violentes observations ".

" Cette méthode ayant donné de piètres résultats…les services de police ne furent plus informés à l’avance de la nature des opérations qui leur étaient demandées. Par voie de conséquence, nous ne savions donc plus quelles étaient les personnes contre qui nous devions opérer ".

" Ainsi, en ce qui concerne l’opération d’Octobre 1942, il est venu à ma connaissance que ce n’est qu’au moment de l’exécution même, que les listes ont été communiqué directement aux services de police, par les services de la préfecture accompagnés par des feldgendarmes ".

" Je n’ai pas assisté personnellement à la phase d’exécution de cette opération. Mais je me rappelle être allé dans la nuit, apporter mes encouragements aux femmes et enfants qui avaient été arrêtés au cours de la nuit. Je peux vous dire que j’ai tenté d’intercéder en la faveur des prisonniers au près de Luther, (Chef du KdS), qui m’a répondu :

" Ce sont des ordres, je n’y peux rien ".

" Je dois dire que la police a toujours eu la confiance des Israélites, cela est si vrai que bien souvent le grand Rabbin Cohen est venu me voir dans mon bureau, à l’Intendance de police, pour me demander des conseils ou mon aide ".

Nous retrouvons le même scénario avec l’Intendance de Police qu’avec Marquet, le Maire de Bordeaux, durant son procès. La préfecture, les policiers et les gendarmes agissent sur réquisition allemande, les policiers préviennent les intéressés dans toute la mesure du possible, mais les SS surveillent et encadrent. Duchon, impuissant, tente de prévenir et de consoler.

Le Grand Rabbin Cohen vient voir l’Intendant de Police, comme il vient consulter le maire et le préfet, demande conseil… et reçoit toujours la même consigne : partez, partez, partez.

Bien entendu, il existe au sein de la police des antisémites qui font du zèle et appliquent les instructions allemandes, mais beaucoup de policiers facilitent les évasions comme nous le racontera Pierre Saufrignon.

(1) Document complet présenté dans " la contre enquête ", éditions FX de Guibert