Hubert de Beaufort         Le Livre Blanc      
                Une étude exhaustive de l'histoire de l'occupation de Bordeaux
Accueil 
Introduction   Chap.-1  Chap.-1 suite  Chap.-2    Chap.-3  Chap3-suite   Chap.-4  Chap.-5    Chap.- 6    Conclusion

© Hubert de Beaufort, Paris 2001

5-Jacques Dubarry,
chef du bureau des affaires juives,
(après le départ de P. Garat)

Les témoignages sont forcément d’importance inégale : nous nous appuyons en priorité sur ceux qui nous semblent significatifs, alors que certains offrent malgré tout un certain intérêt. Tel est le cas pour celui de Jacques Dubarry qui a travaillé à la préfecture de Bordeaux de Juin 1943 à Avril 1945 aux côtés de Maurice Papon et qui a déposé en Septembre 1988 devant François Braud, conseiller à la Chambre d’Accusation de Bordeaux.

Jacques Dubarry passe le concours de rédacteur de préfecture en Février 1942, est reçu premier et est recruté à Bordeaux, ville dont il est originaire.

Les jugements sur la personnalité de Maurice Papon étant rares, celui-ci vaut la peine d’être cité :

" C’était un homme peu facile, un chef exigeant, pugnace, efficace et combatif, avec lequel j’avais plaisir à travailler. J’ai beaucoup appris à son contact. J’ai beaucoup regretté que nos destins divergent à partir de 1946 ". Quant à Maurice Sabatier c’était " Un homme rugueux et peu liant ".

Concernant la place dans l’organigramme du bureau des Questions juives de la Préfecture, il confirme ce que nous savons :

" Son prédécesseur, (de Maurice Papon), Monsieur Delanney, (secrétaire général du préfet Pierre-Alype), s’était vu confier les mêmes fonctions. J’ai été nommé à la place de Pierre Garat en Juin ou Juillet 1943 ".

Concernant les relations entre le service des questions juives de la Préfecture, avec la SEC du sinistre Dehan, dépendant du non moins sinistre Darquier de Pellepoix, Dubarry s’exprime ainsi :

" Les rapports entre la SEC et la Préfecture ont toujours été très difficiles. La Préfecture s’efforçait de restreindre au maximum, dans la mesure de ses moyens, les mesures de coercition qui étaient prises à l’encontre des Juifs par les autorités occupantes. La SEC, elle, faisait de l’excès de zèle en créant son propre fichier et en essayant de nous court-circuiter auprès des autorités allemandes ".

" La Préfecture a dû effectuer à plusieurs reprises, auprès de la SEC, des rappels à l’ordre. Pour ma part, j’ai le souvenir d’avoir rédigé pour Monsieur Papon une lettre qui devait finalement être signée par Monsieur Sabatier, qui soulignait les devoirs de la SEC à l’égard du préfet régional et qui réprimandait vertement les manquements à ces devoirs.

Tout ceci pour vous dire que la Préfecture, Monsieur Papon et certainement Monsieur Sabatier, ont toujours fait le maximum pour sauver ce qui pouvait être sauvé. J’ajoute même que nous sommes parvenus à des résultats certains et concrets sur ce point.

Certes il peut toujours nous être reproché de na pas avoir démissionné de nos postes…

Mais je tiens à ajouter ceci : si Monsieur Sabatier et Monsieur Papon avaient démissionné, qui les aurait remplacés et qu’auraient fait leur remplaçants, à leur place sur ce chapitre ?

Le pire pouvait être craint. Il est plus facile de raisonner en temps de paix sur cette question qu’en temps de guerre où l’existence est difficile et trouble ".

A l’époque des faits, la population bordelaise et moi-même, nous ignorions tout du sort atroce et final qui attendait les déportés juifs. Nous pensions, à l’époque, qu’ils avaient un sort analogue à celui des travailleurs partant en Allemagne. C’est bien après la Libération…. que j’ai commencé à entrevoir le sort ignoble dont ils avaient été victimes…

Je vous le répète encore, ces deux hommes, (Sabatier et Papon), ont toujours fait le maximum de ce qu’il leur était possible, pour limiter le départ en déportation des Juifs de leur région et je ne peux pas croire en leur culpabilité dans le dossier qui est ouvert contre eux ".

Agé de 22 ans lorsqu’il arrive à la Préfecture de Bordeaux, Jacques Dubarry est entré dans la vie administrative avec l’œil neuf du jeune rédacteur, " recruté à titre d’essai ", en stage, et qui ne sera titularisé qu’en Juin 1943. Certes, il assume la gestion administrative du bureau des affaires juives durant un an, mais personne n’a jamais estimé qu’il ait eu un quelque pouvoir de décision. Il observe et mémorise les évènements des deux années de cauchemar qui précèdent la Libération. Le portrait tracé de ses chefs n’est pas tendre, mais on perçoit l’objectivité d’un homme qui a retenu l’essentiel d’un stage hors du commun.