CHAPITRE IV
LES VRAIS TÉMOINS PARLENT
1- L’amiral Leahy, ambassadeur des USA à Vichy
en 1941 et 1942, s’exprime
sur le régime du Maréchal Pétain et sur le Gaullisme.
2- Wellers, un déporté juif, raconte sa détention à Drancy et sa
déportation à Auschwitz.
3- L’information des dirigeants anglo-saxons, (Roosevelt, Churchill,
Eden), sur la solution finale et leurs prises de position.
4- La politique de l’UGIF et du Consistoire entre 1940 et 1942, les
rôles respectifs de Raoul Lambert (Directeur de l’UGIF) et de Jacques
Helbronner (président du Consistoire).
5- Joseph Cohen, le Grand Rabbin de Bordeaux, expose après la guerre, ses
relations avec la mairie et la préfecture.
6- François Mitterrand, ancien responsable du MPGD, (Mouvement des
Prisonniers de Guerre et Déportés), expose sa vision politique des années
1941-44 à Vichy et juge le procès Papon (en 1988).
Dans cette première série de
témoignages, l’affaire Papon, l’histoire de Bordeaux et l’histoire de l’Occupation
rejoignent la grande Histoire : pour la première fois, nous présentons en
effet rassemblés, plusieurs révélations d’une importance exceptionnelle,
car elles confirment à la fois la cécité des dirigeants de l’époque,
(Juifs compris), sur le sort dévolu aux déportations raciales, et la priorité
donnée à un seul objectif : gagner la guerre.
Les vrais témoins parlent
La première
" contre enquête ", faisait état de témoignages
essentiels mais indirects, complétant ceux des grands Résistants qui se sont portés garants des actions de Maurice Papon durant la
guerre. Pour les Gaullistes, l’appui de trois figures incontestables valaient
preuve de son engagement à leur côté et a fortiori de sa non culpabilité :
- Le général de Gaulle, qui n’ignorait rien des
drames vécus par la Résistance à Bordeaux et des difficultés rencontrées
par le jeune secrétaire général pour " tenir " dans une
préfecture assiégée jusqu’à la Libération ;
- René Mayer, qui était une des personnalités juives
les mieux informées sur la politique de l’UGIF et sur les déportations de
ses coreligionnaires, et qui a toujours soutenu Maurice Papon dans sa carrière
depuis 1945 ;
- Roger Landes, (dit Aristide), qui régna sur la
Résistance bordelaise en 1943 et 1944 comme représentant du SOE, et qui s’est
porté garant des engagements de Maurice Papon, alors que Roger Landes était
anglais et juif.
Certains accusateurs pouvaient juger encore insuffisantes les
prises de position de ces personnalités, (puisque, selon eux, on pouvait être
à la fois Résistant et criminel de guerre). Il fallait donc aller plus loin
dans les recherches. Elles ont abouti à des témoignages multiples, dont
certains directs, qui frappent tous par la concordance de leurs analyses. Deux d’entre
eux présentent d’autant plus d’intérêt qu’ils proviennent d’observateurs
privilégiés et encore vivants sur le Bordeaux occupé des années 1942-1944.
Nous voulons parler de Pierre Saufrignon, le policier résistant-déporté, et
de Jean Philippe Larrose, interprète auprès de la Kommandantur.
Leurs interviews pourraient sembler subjectives et
périphériques, puisque les acteurs n’ont pas connu directement Maurice
Papon, mais elles recoupent les dépositions de ceux ayant directement
travaillé avec le Secrétaire Général de la Préfecture de Bordeaux. Ces
témoins sont au nombre de cinq : Le Grand Rabbin Joseph Cohen, l’Intendant
de police Duchon, Jean Chapel le directeur de cabinet du préfet Sabatier,
Jacques Dubarry le chef de service des questions juives, Paul Bignon, le
Résistant hébergé par Sabatier.
En dehors de la contrainte allemande étudiée par ailleurs,
plusieurs témoignages historiques précisent, d’une part le degré de
connaissance que l’on pouvait avoir à l’époque de la solution finale, et d’autre
part les politiques suivies, tant par l’UGIF et le Consistoire, que par les
dirigeants occidentaux (Roosevelt, Churchill, Eden).
Enfin il fallait approfondir les prises de position et les
comportements de François Mitterrand, car, président de la République durant
quatorze ans, il avait été pendant la guerre, d’abord un fonctionnaire
résistant de Vichy (jusqu’en novembre 1943) et ensuite un des responsables du
Mouvement des prisonniers de guerre et déportés (MPGD). Pour minimiser les
prises de position de F. Mitterrand opposé à l’ouverture du procès Bousquet
et à celui de Maurice Papon, ses détracteurs ont toujours mis en avant ses
liens d’amitié avec l’ancien Secrétaire Général de la Police. Ses
relations avec Bousquet ont peut être joué, mais personne mieux que François
Mitterrand, n’avait compris la complexité de l’époque : difficulté de
mener des actions de résistance à l’intérieur de l’Administration sans
être dénoncé, brouillard qui régnait autour des déportations juives,
aventure que constituait un départ pour Londres réservé à quelques
privilégiés bardés de recommandations.
Ne perdons pas de vue qu’une Cour d’Assises, en France,
ne motive pas ses décisions : elle juge selon son intime conviction. Dans un
monde dominé par des médias privilégiant l’émotionnel, comment faire
admettre par un jury, des vérités vieilles d’un demi siècle et qui plus est
des vérités de guerre ? Comment lutter contre le spectacle de parties
civiles brandissant des photos d’enfants déportés que l’on veut associer
à un jeune fonctionnaire qui ne fut qu’un spectateur impuissant ? Un
amalgame scandaleux, mais dans quel but ?
La République, ayant institué un arsenal judiciaire d’exception
permettant de faire condamner Maurice Papon, la Défense doit avancer un
argumentaire dix fois plus convainquant que celui de l’accusation, tout en
menant une campagne de relations publiques symétrique de celle de ses
adversaires. Malheureusement le combat se révèle inégal : comment un
homme seul, même aidé par des associations gaullistes, peut-il lutter contre
des lobbies disposant de moyens financiers illimités ? Reste l’essentiel
: la vérité avec la reconstitution des faits, ce que cet ouvrage tente de
faire avec l’aide des grands témoins que nous avons réussi à rassembler.
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