Hubert de Beaufort         Le Livre Blanc      
                Une étude exhaustive de l'histoire de l'occupation de Bordeaux
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© Hubert de Beaufort, Paris 2001

5-Arno Klarsfeld s’exprime sur le procès

Extraits de ses déclarations rapportées dans son ouvrage :
" La Cour, les nains et le bouffon "
,
(Editions Robert Laffont)

Dans ce procès Papon dominé par le sensationnel, il apparaissait que les parties civiles dépassaient souvent les limites des débordements oratoires habituellement admis dans un prétoire. Mais ce n’était que broutilles par rapport aux initiatives des Klarsfeld, qui, assurés de leur impunité, n’hésitent pas à rendre publics des comportements dont l’ostentatoire dépasse l’entendement. La mise au pas de la Justice devient pour eux un sport qu’ils veulent désormais faire partager aux médias.

Nous laissons le lecteur juge en lui présentant quelques extraits tirés du livre d’Arno Klarsfeld : " La Cour, les nains et le bouffon " (Editions Robert Laffont).

Arno Klarsfeld relate en ces termes la façon dont il interpelle le président Castagnède pour que celui-ci fasse projeter certaines photos d’enfants déportés :

" Je voudrais que Mmes et MM les jurés sachent qui étaient les hommes, les femmes et les enfants que les hauts fonctionnaires comme Maurice Papon contribuaient à envoyer vers la mort. Quand j’ai voulu projeter les photos des enfants, vous m’avez dit, (le président Castagnède) :plus tard. Vous voulez laisser ces gens dans l’enfer de l’anonymat, moi je veux les en sortir. J’y suis obligé. J’ai en moi une force qui me pousse en avant. Est-ce que pour vous, Monsieur le Président, il y a des Juifs " intéressants " et d’autres qui ne le sont pas ?

Maître Klarsfeld, lance-t-il, (le président) vous venez d’avoir des propos qui, dans d’autres circonstances, m’amèneraient à prendre des dispositions. Je ne tiens pas à montrer ces photos… ".

L’audience est suspendue et l’avocat est convoqué par le président (Castagnède).

- " Vous comprendrez, maître Klarsfeld que je ne peux tolérer de tels propos… Je veux que vous les retiriez ".

- " Je suis prêt à les retirer. Il suffit que vous projetiez les photos et je les retire.

- Comment ! Vous osez me poser des conditions ! "

La discussion s’envenime et le président la clot par un mot final : " Dehors ".

Le lendemain matin, Mme Léotin m’appelle :

-" Arno, il faut que vous présentiez des excuses au président ".

Madame Léotin prend le ton de la confidence :

- " Un jour je vous raconterai toutes les pressions que j’ai subies sur ce dossier… Il faut que vous teniez bon, vous êtes indispensable à ce procès… "

- " Indispensable ? Vous voulez dire que le président compte me virer ? "

- " Rendez-vous compte, c’est le président tout de même… "

Quelque chose dans sa voix m’incite à penser qu’elle n’est pas mécontente de l’incident.

Quelques minutes avant l’audience, l’huissier vient me trouver.

- Mme Léotin vous attend dans son bureau. Elle m’explique combien il est important que je reste dans ce procès. Combien je connais le dossier et fais vivre la mémoire des enfants.

Arrive le procureur général Desclaux, un peu essoufflé et tout de robe vêtu ".

- " Allons Arno, ce n’est pas grand chose qu’on vous demande !… Vous savez bien ce que je pense du président, mais les choses ne vont pas si mal… On avance….Pourquoi tout compromettre ? "

- " Nous n’avons pas tellement de temps, me dit le procureur en regardant fébrilement sa montre ".

-" Je ne présenterai pas d’excuses, il n’avait qu’à montrer les photos ! "

" Assis sur ma chaise, têtu et les bras croisés, je dois ressembler à un sale gosse capricieux. Madame Léotin a posé ses mains sur mes épaules, le procureur général est agenouillé devant moi, les plis de sa robe tombant sur le parquet.

- Arno, je vous parle comme une sorte de père… Mesurez les conséquences… Vous savez la sympathie que nous avons pour vous… Ce n’est qu’un geste… ".

" Pris en tenaille entre les deux magistrats, pour qui je ressens de l’affection, je n’en puis plus. J’écris rapidement quelques lignes et les tends au procureur …. " 

Arno Klarsfeld conclut l’incident en ces termes :

" Mes Juifs intéressants n’étaient pas une gratuite insolence, mais une poussée stratégique pour contraindre le président à céder sur ce que j’estimais essentiel.

Trois jours plus tard le président cédera et montrera les photos. Un procès est parfois une bataille, on ne peut la gagner avec des amabilités. " 

Existe-t-il dans l’histoire judiciaire de ces deux cent dernières années un tel exemple de justice dévoyée ?

Un procureur général Desclaux à genoux devant une partie civile, un juge d’instruction (Mme Léotin) qui, une fois encore, démontre sa partialité et son engagement.

Comment imaginer après une telle scène qu’il y ait jamais eu une véritable instruction et un procès équitable !

Arno Klarsfeld, comme son père, exige une justice à sa botte et s’en glorifie officiellement : dans cette affaire la réalité dépasse à chaque instant la fiction. Nous avons d’ailleurs une nouvelle preuve du mépris de l’appareil judiciaire par Arno Klarsfeld lorsque celui-ci reprend l’avocat général, (Marc Robert), qui impute un document au service des questions juives, alors que Papon soutient qu’il provient de l’Intendant de Police.

" Regardez, lui dis je, (c’est Arno Klarsfeld qui parle), Papon a raison : le document provient bien de l’Intendance… "

" Chut ! me murmura t-il, (c’est Marc Robert qui parle), vous voulez donc nous mettre dedans ! "

On reste pantois : l’avocat général ne cherche pas à savoir si la pièce étudiée est à charge ou à décharge. Avec un peu de chance, Maurice Papon (qui a 88 ans), a peut être la vue, l’ouïe ou la mémoire suffisamment affaiblies pour que la fausse accusation soit considérée comme plausible et s’inscrive dans la mémoire des jurés… et des journalistes! L’avocat général n’aurait donc pas considéré avoir commis un déni de justice en chargeant un accusé au moyen d’une pièce qui ne le concerne pas ! En ne retenant que ce seul fait, comment la magistrature en général et le procès en particulier pourront-ils être considérés comme impartiaux par les observateurs extérieurs, et demain par les historiens ?

 Reste le président Castagnède, trop incertain aux yeux des Klarsfeld : son cousinage révélé avec Micheline Castagnède le déstabilisera de façon définitive. Sans complexe, Arno Klarsfeld relate comment il a procédé pour obtenir ce résultat.

 Première étape : le communiqué des Klarsfeld à la presse :

Au cours de l’audience du 28 janvier 1998, le convoi du 30 décembre 1943 a été évoqué. Lors de cette évocation ont été lus les noms de Georgette Benaïm, seize ans, Paulette Benaïm, treize ans, et de leur mère, Louna Elbaz, transférées à Drancy par ce convoi et déportées sans retour à Auschwitz par le transport 66..La sœur de Georgette et de Paulette, Esterina Benaïm, a échappé aux rafles et a épousé Jean-Pierre Castagnède, oncle du président de la Cour d’Assises de Bordeaux, qui aurait donc pu se porter partie civile contre Maurice Papon. A notre connaissance, le président de la Cour d’Assises de Bordeaux a évité de mentionner cette parenté".

Deuxième étape : la manœuvre décrite par Arno Klarsfeld :  

- D’abord l’appel téléphonique de l’avocat général qui s’exprime ainsi :

"Tel que je le connais, le président va se récuser, cent pour cent il va se récuser. Et là, je peux vous le dire, ce ne sera pas du gâteau. Au moins avec Castagnède, on devrait avoir une condamnation, une condamnation de principe, tandis qu’Esperben se bat pour l’acquittement ".

- Ensuite la prise de position de Maître Varaut l’avocat de Maurice Papon, qui dénonce la mise en cause de l’impartialité du président Castagnède… comme un outrage sans précédent et renouvelle sa respectueuse confiance dans l’indépendance et l’impartialité du président.

Arno Klarsfeld commente ainsi ce soutien inattendu de Maître Varaut au président :

" Pourquoi n’a-t-il pas gardé le silence ou traité l’affaire de façon ironique… Il aurait ainsi témoigné sa magnanimité de manière bien plus percutante pour les jurés. Varaut n’est pas bête ; cependant il existe un sentiment qui rend chacun bête : la peur. Varaut a eu peur. Son intervention n’était pas celle d’un avocat défendant son client et utilisant au mieux tous les incidents en sa faveur; sa réaction a été celle d’une partie concernée ".

- Enfin la réunion du CRIF, qui a lieu sous la présidence d’Henri Hadjenberg,, de son vice-président Michel Zaoui, et du comité exécutif,(dont fait partie Serge Klarsfeld). Le CRIF ne veut pas la récusation du président. Magistrats, parquet et syndicats exigent des poursuites, mais le garde des Sceaux s’y oppose en ces termes :

" Il est très mauvais qu’il y ait un procès dans le procès ".

Conclusion d’Arno Klarsfeld.

" Le procès avait changé de physionomie. Le président interrogeait Papon avec plus de fermeté, Varaut s’en plaignait… "

" Il, (Varaut), avait commis la faute de voler au secours du président…. "

Où est le Droit dans ce procès ? Impunément violé, il n’en subsiste que la forme et ses pompes avec des tribunaux et des magistrats qui siègent… Dans la première " contre-enquête ", nous déplorions le crépuscule de l’Etat de Droit, mais il semble avoir déjà plongé dans les ténèbres lorsqu’on a lu l’ouvrage d’Arno Klarsfeld.

Livre à ne pas manquer comme dirait le critique.

 

Rappel de la déclaration de Serge Klarsfeld, le 11 février, sur radio Shalom

 Cette déclaration avait été citée dans notre première contre-enquête, mais elle semble devoir être rappelée, car elle complète et précise l’idée que se fait la famille Klarsfeld de la justice.

 " Et bien ces magistrats ont été nommés aussi par des hommes qui peuvent avoir un point de vue favorable à l’enterrement de cette histoire de Vichy, un point de vue opposé à celui de Jacques Chirac. On l’a vu parmi de nombreux témoins, à fond contre Chirac...

 Nous nous battons pour les repousser, les ligoter ou les mettre sous surveillance, c’est ce que nous avons fait avec le Président et effectivement, aujourd’hui, nous voyons que la défense de Papon se plaint du comportement du Président qui a pris la direction que nous voulions lui imprimer.

Jean-Marc Varaut se plaint du Président qui est aujourd’hui obligé de prendre une direction différente de celle qu’il avait imprimée au procès.

Nous ne voulons pas que le procès se passe dans le "meilleur esprit", puis, après, une indignation générale contre le verdict...

 Nous voulons intervenir avant, pour empêcher les événements de devenir ce que normalement ils devraient être et pour imposer notre volonté.

Et quand on parle de "l’État de Droit", je regrette, mais lors du procès de Cologne, on a déclenché le premier jour une bataille rangée de deux cents personnes contre les policiers, de façon à montrer que les maîtres du terrain c’était nous, c’est-à-dire, que si le procès n’était pas exemplaire et bien le procès n’aurait pas lieu...

Ce que le Président a bien compris; le procès (de Cologne) a été exemplaire. Ils ont bien compris ce que signifiait cette épreuve de force."

 Comment peut-on encore parler d’État de droit lorsqu’un individu peut impunément menacer la justice et mener de telles actions d’intimidation ?