Hubert de Beaufort         Le Livre Blanc      
                Une étude exhaustive de l'histoire de l'occupation de Bordeaux
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© Hubert de Beaufort, Paris 2001

3- Les dirigeants anglo-saxons

Le scepticisme anglais sur la réalité du génocide a des racines lointaines : durant la première guerre mondiale, les abus de la propagande britannique avaient semé un vent de panique qui perdura. Les religieuses violées, les enfants auxquels on avait coupé les mains n’ont jamais été retrouvés et les historiens se sont alors élevés contre ces manipulations. La tendance au scepticisme ne s’effaça que très lentement, aussi bien dans le public que dans les sphères officielles.

Une seule exception, la presse juive américaine, Nation et New Republic, qui tentent d’analyser à fond le problème, alors que l’ensemble des médias restent très discrets, à commencer par les publications catholiques et protestantes. Les responsable avertis ne cachèrent pas le sort dévolu aux Juifs, mais ne s’en ouvrirent pas auprès du grand public.

Rappelons que la première information sérieuse sur le génocide est parvenue en Août 1942 à Gerhart Riegner, représentant du Congrès juif mondial à Genève, qui en fait part à Howard Elting, vice-consul américain. Cette information s’appuie sur une rapport du quartier général d’Hitler prévoyant l’extermination de 3 à 4 millions de Juifs, provenant d’Europe de l’Ouest et d’Europe de l’Est.

Le 11 Août, Elting ébranlé par l’assurance de Riegner, télégraphie la nouvelle au Département d’Etat, qui la juge non crédible : " une rumeur de temps de guerre inspirée par la peur ". Pour les fonctionnaires américains, les Juifs déportés servaient de main d’œuvre.

La question se pose alors de savoir si l’on transmet l’information au Rabbin Wise. La réponse est : non. Malgré tout Wise sera prévenu par une autre voie le 28 août 1942. Il avertit aussitôt le sous-secrétaire d’Etat Summer Welles pour que Roosevelt soit informé. Welles reste sceptique et déclare à Wise en septembre :

" Il semble que le véritable objectif du gouvernement nazi est de se servir des Juifs pour les travaux liés à l’effort de guerre aussi bien en Allemagne qu’en Pologne et en Russie ".

L’opposition du Congrès à toute nouvelle immigration, Juifs compris, paralyse certes Roosevelt dans ses velléités d’intervention, mais il faut malheureusement rappeler que certaines de ses réflexions laissent pour le moins perplexes. Durant la conférence de Casablanca, il suggère de ne maintenir en Afrique du Nord qu’un nombre de Juifs, (membres des professions libérales), proportionnel à celui de la population juive de la région !

" Cela évitera les griefs assez compréhensibles qu’avaient les Allemands contre les Juifs en Allemagne, à savoir que tandis qu’ils représentaient une petite partie de la population, plus de 50 % des avocats, docteurs, professeurs, etc… étaient Juifs ".

Voilà où en est la perception du problème juif par le président Roosevelt en Janvier 1943 ! Il excuse les griefs des Allemands envers les Juifs, six mois après les grandes déportations de 1942, ce qui démontre au moins qu’il n’a toujours pas à cette époque connaissance de la solution finale. Evitons d’entrer dans un procès d’intention que nous déplorons chez l’accusation et chez les parties civiles, mais il est patent que, durant les rafles de1942, les dirigeants occidentaux sont restés aveugles : pour eux, les déportations ne sont encore qu’une forme de travail obligatoire, une sorte de STO durcie

Et du côté des Anglais, trouve t-on davantage de lucidité et de compréhension ?

La " contre enquête " a relaté les réactions du Foreign Office durant la guerre. Rappelons l’essentiel des faits.

- Eté 1942 : Gerstein, un expert allemand en gaz asphyxiants, dévoile les mécanismes de la solution finale à un diplomate suédois, von Otter, qui transmet l’information à Stockholm. Elle n’est pas prise en considération.

- 27 Mars 1943 : demande de l’American Jewish Congress visant à demander à Hitler d’autoriser les Juifs à quitter l’Europe occidentale. Réponse négative d’Eden.

- Juillet 1943 : échange possible de 5 000 enfants juifs contre 5 000 prisonniers allemands.

Eden refuse.

- Juillet 1943 : échange demandé par Antonescu de 60 000 juifs roumains contre finance.

Roosevelt accepte, Eden refuse.

- Avril 1944 : l’aviation alliée découvre Auschwitz, les organisations juives demandent le bombardement des chambres à gaz. Eden refuse :  

" Cette décision va constituer une déception, mais il ne faut rien faire qui ressemblât à une négociation ".

- Avril 1944 : Eichmann propose à Joël Brand d’échanger 1 000 000 de Juifs contre 10 000 camions et de fermer Auschwitz. Eden refuse.

- 2 Avril 1944 : le Times annonce, en page 12, que 350 000 juifs allaient être tués dans les trois semaines à venir… mais la première page est consacrée aux départs en vacance des New-Yorkais.

Inutile de multiplier les exemples : ceux que nous citons se révèlent suffisamment explicites. Quand on se donne la peine d’étudier le degré de connaissance des déportations juives, par les responsables occidentaux, et leur refus permanent de la moindre action concrète, on reste pour le moins perplexe. Dans ces conditions, que pouvait savoir et entreprendre l’administration, sinon une résistance discrète ? Et que pouvait faire un petit Etat comme la Suisse à qui l’on reproche une complicité matérielle ? En vérité, il faut reconnaître chez les Alliés un aveuglement devant les déportations raciales et une absence de réaction à peine croyable. Ils étaient partiellement informés, mais ne comprenaient pas. En réalité ils ne s’intéressaient qu’à un seul objectif : assurer la victoire, gagner la guerre, mais sans jamais mettre en avant la question juive.